La notion de brevet
Généralement, le brevet est un titre de propriété industrielle délivré par les pouvoirs public ou bien par une autorité reconnue par l’état. Ce titre confère à son titulaire un monopole temporaire d’exploitation sur son invention durant 20 ans à compter du dépôt en France et en Europe. Dès lors, le titulaire du brevet dispose d’un droit exclusif, opposable à tous.
Il sera précisé qu’un brevet sert à positionner l’invention par rapport à l’état de la technique.
Le domaine de la brevetabilité
Le brevet protège une seule invention et il est limité dans le temps et l’espace. Donc chaque invention nécessite un brevet.
Une invention peut consister en un produit, un procédé ou bien même en une application.
Les conditions de la brevetabilité
En principe, pour être brevetable, une invention doit répondre à trois conditions cumulatives, à savoir :
– Être nouvelle. La condition de nouveauté est essentielle. En effet, la divulgation volontaire ou involontaire d’un élément de l’invention avant la date de dépôt de la demande de brevet suffit à faire perdre à cette dernière son caractère innovant. Il importe de bien veiller à ce que l’innovation reste confidentielle avant le dépôt.
– Présenter une activité inventive. Il s’agit de savoir si un homme du métier peut réaliser l’invention à partir de la synthèse des connaissances comprises dans l’état de la technique. L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public, avant la date de dépôt par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Le contenu des demandes de brevet ayant une date de dépôt antérieure mais non encore publiées détruit la nouveauté mais ne porte pas atteinte à l’activité inventive.
– Faire l’objet d’une application industrielle. L’objet de l’invention doit pouvoir être fabriqué ou être utilisé dans l’industrie. Il importe également de vérifier si l’innovation peut faire l’objet d’une demande de brevet et de s’assurer qu’elle ne porte pas atteinte aux tiers.
On comprendra que certaines innovations, de par leur nature, ne peuvent pas être brevetables (les découvertes, les théories scientifiques, les présentations d’informations, les méthodes de traitement thérapeutique et chirurgical, les idées …).
Pourquoi ? Parce qu’une découverte permet d’enrichir le Savoir tandis que l’invention apporte en plus une solution technique.
Notons que les inventions de logiciels sont brevetables dans certaines conditions.
NB : On précisera que le brevet et la publication ne s’opposent aucunement, toutefois la publication devra se faire après le dépôt de la demande de brevet, à condition de divulguer uniquement ce qui est contenu dans la demande.
La procédure de délivrance des brevets:
Diverses personnes peuvent intervenir dans une demande de dépôt de brevet :
– L’inventeur : pour être qualifié d’inventeur, il faut apporter une contribution substantielle à la réalisation de l’invention. Donc les simples interventions ne sont pas prises en considération.
Quid de l’employeur qui demande à son salarié d’exécuter une prestation. L’employeur des inventeurs est titulaire des droits patrimoniaux sur l’invention. Mais, il arrive que l’employeur ne soit pas le seul titulaire.
– Les déposants : Ce sont les personnes qui participent activement à la vie et à l’exploitation du brevet. Ces personnes prennent en charge les frais liés au dépôt.
Ces personnes peuvent être l’employeur de l’inventeur, les partenaires contractuels ou bien encore les tutelles des laboratoires.
– Un inventeur peut faire appel à un Cabinet de conseil en propriété industrielle. Ce dernier aura pour mission de faire le lien entre les offices de brevets (cf. ci-dessous) et les services de valorisation du titulaire.
Comment obtient-on brevet ?
Généralement, pour obtenir un brevet, il faut déposer une demande de dépôt de brevet auprès d’un office habilité à le délivrer :
– La demande de brevet français peut se faire auprès de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI).
– La demande de brevet européen peut être faite auprès de l’Office Européen des Brevets (OEB) ;
Ce brevet européen peut comporter plusieurs brevets nationaux pour les pays désignés dans la demande de brevet.
– La demande de brevet internationale peut être réalisée auprès de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) ;
Le dépôt d’une demande de brevet internationale, dite PCT (Patent Cooperation Treaty), permet de repousser le déclenchement des examens de brevetabilité dans les pays désignés et également de centraliser la procédure de dépôt pour l’ensemble des pays signataires du traité.
NB : Le titulaire qui souhaite protéger son invention dans d’autres pays a la possibilité de déposer des demandes, pendant un délai d’1 an, « sous priorité » de la première demande de brevet et bénéficier ainsi de l’antériorité de la première date de dépôt.
Une fois que la demande a été faite, l’office va effectuer tous les actes afférents à la vie du brevet, à savoir :
- Rédiger le rapport de recherche (qui indique les éventuelles antériorités) ;
- Publier la demande de brevet ;
- Envoyer des lettres officielles ;
- Délivrer le brevet (s’ouvre aux tiers une phase d’opposition administrative au cours de laquelle ils auront la possibilité de s’opposer à la délivrance du titre définitif) ;
- Faire les relances de paiement annuel des taxes de maintien du brevet (pendant 20 ans après le dépôt de la demande).
- Les conditions de forme de la demande de brevet
Un brevet doit comporter un certain nombre d’éléments cumulatifs :
– Une analyse scientifique qui résume l’innovation (un abstract) ;
– Une partie descriptive qui présente l’état de la technologie, l’intérêt de l’invention, le contenu scientifique de l’invention. La description doit être rédigée avec beaucoup de précisions parce qu’elle ne pourra pas être modifiée au cours de la procédure de délivrance
– Des schémas assez précis et détaillés pour expliquer l’invention ;
– Les éventuelles revendications qui délimitent le périmètre d’exclusivité et supportent l’invention.
La titularité du brevet
En principe, le titulaire du brevet est le premier déposant. Néanmoins, celui qui possède de bonne foi l’invention et l’exploite sans avoir déposé de demande de brevet dispose d’un « droit de possession personnelle antérieur » qui l’autorise à poursuivre son exploitation par dérogation au monopole du brevet.
Qui est titulaire de l’invention réalisée par un salarié en exécution de sa mission ?
Généralement, l’employeur est titulaire des inventions réalisées par son salarié en exécution de sa mission. Toutefois, l’inventeur a droit à un complément de rémunération.
Il sera précisé que les inventions réalisées en dehors de sa mission appartiennent au salarié.
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L’aspect financier
Faire une demande de dépôt de brevet représente un coût non-négligeable. En effet, il faut tenir compte des taxes de dépôt, du versement d’annuité et éventuellement des honoraires du cabinet de conseils pour les traductions de brevets, la recherche d’antériorité, la rédaction des brevets et le suivi de la procédure.
Notons que le propriétaire d’un brevet peut perdre ses droits sur celui-ci et risque la déchéance s’il ne paie pas la redevance annuelle à la date d’échéance.
Sources :
– Traité de coopération en matière de brevets du 19 juin 1970, entré en vigueur en France le 1er juin 1978 ;
– Traité sur le droit des brevets (PLT), signé le 1er juin 2000 et entré en vigueur le 28 avril 2005 ;
– Convention sur la délivrance de brevets européens signée le 5 octobre 1973 à Munich et entrée en vigueur le 7 octobre 1977 ;
– F. Chrétien, Brevet européen à effet unitaire : comment les déposants envisagent-ils de l’utiliser?, Propr. industr., mai 2016, p. 18 ;
– Articles L. 611-10 c. propr. intell. et suivants ;
– M.-C. PIATTI, Commerce électronique et propriétés intellectuelles. L’impact des technologies de l’information sur l’évolution des principes juridiques, RTD Com. 2006, p. 1 ;
– J.-C. GALLOUX, Notion d’invention : exclusion d’une théorie scientifique, RTD Com. 2004, p. 302 ;
– Ph. GAUDRAT, L’invention informatique : un débat difficile et contourné, RTD Com., 2005. p. 323 ;
– P. ROUBIER, Le droit de la propriété industrielle, Librairie du Recueil Sirey, Tome 2, 1954, p. 86 ;
– Cass. com., 26 avr. 2017, 15-29396 : LEPI juil. 2017, obs. F. Herpe ;
– Cass. com., 20 mars 2007, n° 05-12626 : D. 2007, p. 1087, obs. J. Daleau ;
– Cass. com., 24 mai 2011, n° 10-15760 : J. Raynard, D. 2012, p. 520 ;
– E. GUTMANN, Les revendications du brevet : à la croisée de l’invention et de la découverte, in Droits de propriété intellectuelle, Liber amicorum Georges Bonet, Litec, coll. IRPI n° 36, 2010) ;
– J. AZEMA et J.-C. GALLOUX, Droit de la propriété industrielle, Dalloz, coll. Précis, 7e éd. 2012.