Historiquement, le développement de la formation professionnelle répond à une logique de pénurie de main d’œuvre dans des secteurs avec un fort potentiel de recrutement. Je m’intéresse dans mon approche à la formation professionnelle continue des salariés, des demandeurs d’emploi et non à la formation initiale, qui cible les lycéens, étudiants dans le cadre d’un premier cycle d’études. La loi de 1971 sur la formation professionnelle élargit le périmètre de ce volet, qui passe « outil d’adaptation des salariés » à un « moyen de développement personnel et de promotion sociale ». La formation continue repose sur des financements d’entreprises pour les salariés et des collectivités locales notamment les Régions pour les demandeurs d’emploi. Elle est déployée dans des centres de formation privés (entreprises ou associations) qui répondent à des besoins de qualification et des compétences. On peut citer l’AFPA en tant qu’organisme de formation historique notamment pour la formation des demandeurs d’emploi sur les métiers techniques. Le poids de l’histoire et souvent du contexte économique, ont contribué à modéliser des approches nationales, en termes de gouvernance des dispositifs, de financement et de secteurs professionnels ciblés. Sans vouloir m’attarder sur la définition et le fonctionnement du système actuel, je vous propose d’évoquer la formation en lien avec l’université pour mieux répondre aux enjeux des actifs en termes d’insertion et de mobilité professionnelle. L’université a toujours eu une place restreinte dans ce schéma même si de plus en plus de salariés reviennent vers l’université, elle peut jouer un rôle moteur dans les années à venir sous certaines conditions.
Accompagner le déploiement des universités d’entreprise
Actuellement la France compte environ 5,4 millions de demandeurs d’emploi toutes catégories confondues (1). Dans ce contexte, la formation doit répondre aux transformations de l’économie, accompagner la croissance des entreprises qui se développent et sécuriser les transitions professionnelles des apprenants. La mondialisation de l’économie a favorisé l’arrivée d’un nouvel acteur de la formation de plus en plus actif : l’entreprise. La création d’une économie interdépendante avec un marché mondial a facilité l’essor des grands groupes présents dans tous les continents. La formation a évolué dans ce contexte. Plusieurs options existent, faire le choix entre former en interne via de l’adaptation au poste et /ou flexibiliser ce volet par l’externalisation de la formation…
Aujourd’hui les groupes se dirigent vers la création de leur propre structure : écoles, université, campus. Ce système d’université d’entreprise existe surtout aux Etats-Unis et a connu un développement récent en France notamment dans les banques, la grande distribution. Accessible uniquement aux salariés des entreprises, l’université d’un groupe international peut jouer un rôle grandissant dans les années à venir à condition de décloisonner l’accès, le fonctionnement et son organisation.
On peut prendre l’exemple de la grande distribution, le potentiel de recrutement est important. On y répond via des formations CAP, des bac pro, des BTS, des licences, masters, en déployant des offres de formation avec une multitude d’organismes de formation sur l’ensemble du territoire national parfois sans lien avec les entreprises qui recrutent et sans une stratégie sectorielle pour répondre aux enjeux de recrutement. Pourquoi ne pas ouvrir les écoles de CARREFOUR, AUCHAN à tous les publics pour gagner en efficacité? Après tout ne sont-elles pas les mieux placées pour former les futurs salariés…
Par ailleurs, il me parait opportun d’associer l’université française dans ce processus notamment sur la partie conceptuelle, recherche, développement. Il serait judicieux de connecter « université d’entreprise » et « université française » notamment pour développer des synergies dans la formation des étudiants et des salariés et surtout de mettre fin à la dichotomie entre les approches conceptuelles qui relèveraient uniquement de l’université des approches techniques de l’entreprise. Cette évolution donnerait une place importante à l’enseignement supérieur avec un positionnement sur Le volet « compétence ».
Encourager l’innovation à travers les MOOCS
Le déploiement de « MOOC » qui est une formation en ligne et interactive ouverte à tous, a bousculé l’approche du système classique. Un Mooc intègre des contenus vidéo, des forums d’échanges, des évaluations. La création d’une communauté mondiale des apprenants avec un accès le plus large possible est une étape significative de l’accès au savoir pour tous. L’ouverture de MOOC dispensé par les plus grandes universités et suivis par des milliers d’apprenants offre la possibilité de former qualitativement. En France, les formations sont proposées par la Sorbonne, Sciences Po et des universités de tout l’hexagone. Ce sont les prestigieuses universités qui se sont approprié l’outil MOOC et qui déploient ces formations. Des milliers de personnes peuvent suivre simultanément ces formations à leur rythme, à distance, gratuite et de qualité.
C’est une opportunité formidable pour le salarié qui souhaite se former sans passer par des procédures longues ou pour le demandeur d’emploi qui veut éviter les ruptures de parcours. L’université doit se saisir de cet outil pour créer un programme de formations structurel. Même si les MOOCS sont calibrés sur un format court, il existe des compétences qui constituent des pré-requis pour intégrer le monde de l’entreprise : le savoir-être, la gestion de projet, le profil commercial…..Même si des Moocs existent sur ces compétences, il faut les ouvrir à l’ensemble des publics salariés, demandeurs d’emploi, étudiants et même dès le collège.
Lorsque que certains actifs attendent plus d’un an pour entrer en formation faute de disponibilité et connaissant tout le parcours du combattant pour trouver sa formation, le financement ou déménager pour se former, l’université par sa force de frappe peut former rapidement, massivement et proposer des poursuites de parcours aux apprenants. Cet outil va accélérer les reconversions professionnelles et rendre l’apprenant acteur de son projet.
Créer des évènements collectifs autour de la compétence
La formation est souvent déployée dans un format classique : des apprenants dans une salle avec un formateur. Pour mieux organiser la transmission et la rendre plus attractive, il faut bien entendu des nouveaux formats plus adaptés en s’appuyant sur l’innovation technologique comme pour les MOOC ou la formation à distance…..mais aussi développer l’évènementiel autour de la compétence. Ces dernières années l’entreprenariat a été encouragé par des dispositifs de type « start-up week-end ». On peut imaginer un format dynamique avec une approche numérique dans le cadre de la formation des salariés et des demandeurs d’emploi sans distinction. « Exercer le métier x en 54 heures » ou comment « acquérir la compétences de x en x heures ». L’université ouverte à tous, peu importe son âge ou son statut est un outil formidable pour développer une société porteuse de la connaissance. On pourrait accélérer les compétences des actifs par l’approche collective en créant un challenge, la gestion de projet, l’innovation au service de la formation. Il faut changer la posture de l’apprenant, le rendre acteur par une approche dynamique du processus cognitif. La configuration collective limite le phénomène d’isolement et de solitude rencontré par l’apprenant face à ses difficultés. Un évènement de ce type favorise la démarche de « compétence collective » au cœur de l’apprentissage, pour reprendre le concept développé par Le Boterf.
L’université possède la logistique avec tous ses campus sur tous les territoires. Elle dispose surtout des moyens humains pour coordonner ces événements qui seraient gratuits, en associant les entreprises dans ces projets. On pourrait autour de problématiques d’entreprises sur des métiers ou des besoins précis, créer un challenge pour former les futurs professionnels.