Mais face aux derniers chiffres des usages mobiles dans le monde et à la rude concurrence que se livrent les applications mobiles sur les principaux stores d’applications, il me semble nécessaire de repenser en profondeur l’adéquation des applications mobiles natives au public africain et d’explorer quelques opportunités nouvelles.
Les chiffres, impensables, il y a une dizaine d’années, mais aujourd’hui annoncés de la pénétration du mobile sur le Continent, ont tôt fait de faire comprendre aux startupers et aux entreprises établies qu’une grande partie du business se jouerait désormais là: là où se situe le client, sur son mobile
Cette conception largement répandue aujourd’hui est d’ailleurs confortée par les politiques mises en oeuvre par les majors (Google avec Android One) et les autorités nationales pour pousser le taux d’équipement en smartphones des populations. Il n’est d’ailleurs plus un secret pour personne que plus de 150 millions d’utilisateurs individuels de Facebook se trouvent en Afrique et plus de 80% de ces utilisateurs se connectent au premier réseau social de la planète via leur smartphone, avec une progression de + 20% du nombre de souscripteurs en provenance d’Afrique de 2016 à 2017.
Les réseaux sociaux Facebook en tête constituent en effet le premier usage que font les internautes africains de leur smartphone, puis viennent ensuite les applications de messagerie, les jeux puis le reste. Sur le continent africain où Android est de manière écrasante le premier système d’exploitation mobile, la plupart de ces applications viennent préinstallées sur les smartphones et Facebook, via le programme Free Basics ou Internet.org met à disposition, de manière gracieuse, une connexion internet de base pour accéder aux applications mobiles de son écosystème et à celles de ses partenaires.
Cet état de fait a un corollaire: La plupart des utilisateurs de smartphones ne savent que peu de choses des stores d’applications à l’heure où la plupart des applications métiers publiées par les acteurs locaux se noient au milieu des 2,2 millions d’applications mobile natives publiées sur le playstore de Google. La bataille y est d’ailleurs féroce au bas du tableau, tandis que les applis des GAFA cannibalisent économiquement ce nouveau marché de plus en plus concurrentiel.
Il est, à l’aune de ces réalités, idoine de se demander, si le modèle des applications mobiles natives est encore le plus adéquat pour les développeurs locaux, auxquels elles ont été largement vendu comme la panacée pour prendre leur part des revenus générés par la net-économie. Répondre par la négative à cette interrogation semble, de mon point de vue, de plus en plus évident à bien des égards. En effet, aux préoccupations d’adoption tributaires de la litteracy des utilisateurs (plus de la moitié des populations au sud du Sahara sont encore analphabètes) et de leur faible culture digitale, s’ajoutent le coût toujours exorbitant de la data, frein non négligeable au téléchargement d’applications depuis les stores et celui des usages.
Jimmy KUMAKO, CEO de CoinAfrique, relève de manière fort lucide cet implacable constat: » Les clients n’éprouvent pas le besoin de gaspiller de la data pour télécharger des applications qu’ils n’utilisent qu’une fois en passant, et dans des pays comme le BENIN, des applications mobiles se partagent bien souvent encore via Bluetooth ».
Sur le plan des usages, Recode fait le constat que le téléchargement d’applications aux Etats Unis depuis les stores (Google Play Store et Apple Store) chutent d’à peu près 20% d’année en année tandis que hors US, le top 15 des applications mobiles avait progressé de moins de 3% en nombre de téléchargements sur le mois de Juin 2016.
Comscore, entreprise américaine d’analyse publicitaire et de recherche marketing, va plus loin: Selon des Insights publiés, en Juin 2016, plus de 60% des détenteurs de smartphones ne téléchargent aucune nouvelle application sur une durée moyenne de 3 mois et de plus en plus d’études montrent que la courbe de rétention de l’utilisateur sur une application mobile n’a jamais été aussi faible.
Que sont donc les Progressive Web Applications?
Retour aux fondamentaux: les applications mobiles natives sont apparues comme la solution pour l’accès au contenu sur mobile car elles permettaient de combler les lacunes liées à l’expérience utilisateur des applications web sur mobile. Mais il va sans dire qu’elles sont venues avec leur lot d’insuffisances que nous ne citerons plus ici.
Les Progressive Web Applications tendent à combler ces lacunes. Elles apportent, au moyen de nouvelles API Web, et en s’appuyant sur les standards du Web et un navigateur banalisé, un ensemble de fonctionnalités qui étaient présentes jusqu’ici seulement sur les applications mobiles natives.
Ces fonctionnalités comprennent:
- des temps de chargement extrêmement faibles,
- la possibilité d’utiliser les applications en mode déconnecté (sans connexion Internet),
- les notifications Push,
- l’installation sur l’écran d’accueil.
Une Progressive Web App utilise les possibilités du web moderne pour délivrer une expérience utilisateur similaire à une application native.
Avec les PWA, le Web mobile arrive à égalité avec les applications installables depuis un store d’application grâce au fichier manifest pour les applications, le support de l’installation sur l’écran d’accueil, la possibilité de faire tourner des tâches de fond avec les Services Workers, d’améliorer le temps de chargement avec un App Shell et la croyance renouvelée que les développeurs Web peuvent aussi proposer une excellente expérience d’application mobile.
Comme le nom du concept le laisse deviner la prochaine bataille des usages mobiles se re- déplacera donc sur le navigateur. Et une fois encore, les majors du Web mènent la course en tête. Google le premier a mis a jour son navigateur, Chrome pour y intégrer toutes les fonctionnalités nécessaires à sa compatibilité avec les Applications Web progressives. Suivent Opéra, Firefox et bientôt Microsoft avec Internet Explorer, et … Edge.
Pour tout utilisateur averti, les opportunités pour les fournisseurs de contenus locaux semblent plus qu’intéressantes :
- Une meilleure gestion des connexions internet de mauvaise qualité grâce à la reprise en main du cache,
- Plus besoin de beaucoup de data pour mettre à disposition des services et du contenu pour les clients: Un navigateur suffit
- les notifications et l’installation sur le bureau du téléphone mobile de l’utilisateur
- la possibilité d’une meilleure visibilité sur le web traditionnel et une indépendance vis à vis de la concurrence des stores d’applications et de la dictature des majors.
- une application unique pour le Web Desktop et le Mobile
- un système d’information mieux intégré et plus lisible
Certains acteurs du continent tel Konga, acteur majeur du e-commerce au Nigeria n’ont d’ailleurs pas attendu leur reste pour redévelopper leur application web, et d’autres devraient suivre bientôt.
Reste que dans un continent où le navigateur n’a pendant une décennie, pas été le 1er réflexe des possesseurs de smartphone, où les besoins de litteracy peuvent être un frein à la première connexion et où les fournisseurs de contenus n’ont que rarement fait du référencement web leur priorité, les challenges n’ont pas disparu et les Progressive Web Applications ne sont toujours pas la panacée.